En grève depuis trois mois, les médecins de la République démocratique du Congo ont été de nouveau dans les rues de Kinshasa, hier mercredi 05 octobre. Ils ont pris d’assaut le rond-point Kintambo-Magasin dans la commune de Ngaliema. Cette fois-ci, avec pour objectif d’aller déposer leur cahier de charges qu’ils considèrent irrésolu jusque-là, chez le président de la République, Félix Tshisekedi, à la Cité de l’Union africaine. « Nous sommes ici pour une marche légale pour revendiquer l’application du statut spécifique des médecins qui inclut les avantages liés à son métier notamment les logements et différentes primes y afférentes. Trop c’est trop« , s’est pliant le docteur Salima Pontien, l’un des manifestants.
Cependant, cette marche pacifique des médecins du secteur public à Kinshasa a été professionnellement freinée par la police pour des raisons de sécurité. Aussi, le général Sylvano Kasongo, Chef de la Police de Kinshasa a-t-il proposé de se constituer une délégation de huit membres chargés de déposer leur mémo au cabinet du chef de l’Etat. Toutefois, si les revendications des blouses blanches sont somme toutes légitimes, il y a lieu de se demander si c’est à Félix Tshisekedi, premier citoyen congolais que revient de résoudre les problèmes des médecins. Cette charge ne relève-t-elle pas du Gouvernement ? Question fondamentale. Cette marche est la deuxième après celle du 21 septembre réprimée par la police.
Si les professionnels de la santé ont décidé de s’en remettre à la solution du Chef de l’Etat, comme d’ailleurs plusieurs autres fonctionnaires de l’Etat : enseignants de tous les secteurs de l’EPST…), c’est que le Gouvernement n’a pas été à la hauteur des attentes de ces catégories de travailleurs. Pourquoi alors, doit-on s’interroger, quand on sait que le régime en place est celui de séparation nette des pouvoirs tant souhaité par tous les Congolais.
POURQUOI N’AVOIR PAS CHOISI LE CHEMIN DE L’ASSEMBLEE NATIONALE ?
Pourquoi les grévistes n’ont-ils pas choisi le chemin de l’Autorité budgétaire, en l’occurrence l’Assemblée nationale où le Premier ministre Sama Lukonde a déposé, à l’ouverture de la deuxième session ordinaire de septembre, le projet de budget pour l’exercice 2023 chiffré à 14,6 milliards de dollars américains.
Pourquoi les blouses blanches ne feraient-ils pas entendre leurs voix – devenues inaudibles à force de crier leur ras-le-bol – auprès de ceux qui, en ce moment, sont en train de s’empoigner, à coups d’interpellations, autour de leurs émoluments faramineux se chiffrant à quelque 21 000 dollars américains, alors qu’eux médecins battent régulièrement le pavé pour tenter d’arracher quelques centaines de dollars avec beaucoup de peine et au péril de leur vie ?
LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE, LE CENTRE DES SOLUTIONS
Considérer le président de la République comme providentiel et la solution à tous les problèmes à caractère social qui se posent au pays, il y a lieu de conclure que l’Exécutif central piloté par le Premier ministre ne joue pas avec satisfaction son rôle que le peuple dans son ensemble attend.
Cette tendance à faire du Président de la République le centre des solutions aux problèmes sociaux, l’homme à tout faire, rappelle la IIème République durant laquelle le Maréchal Mobutu était considéré comme l’Alpha et l’Oméga, l’unique clé devant donner accès aux solutions des problèmes qui se posaient dans la République du Zaïre. Ce qui rendait l’homme à la très célèbre toque en peau de léopard l’homme providentiel, l’homme sans qui il n’y avait pas de solutions.
Des décennies plus tard, on doit reconnaître aujourd’hui que le contexte a complètement changé à la faveur des élections qui n’étaient que factices à l’époque du Zaïre. Par conséquent, aujourd’hui tout dirigeant, à tous les niveaux de responsabilité, est appelé à remplir convenablement son rôle en vue d’une action gouvernementale commune satisfaisante. Ce qui procure une plus-value à l’Exécutif, particulièrement au Chef de l’Etat qui recueillerait les dividendes le moment venu.
Pour des pays normaux, une telle pratique est au désavantage de ceux des ministres dont les secteurs constituent, pour le Président de la République, des foyers de tensions sociales à répétition, des causes de migraine pour le premier citoyen qui doit devoir résoudre des problèmes auxquels ses collaborateurs sont incapables d’apporter de solutions. Ils constituent eux-mêmes des problèmes pour le Gouvernement au lieu d’en être la solution.