La récente décision du président américain Donald Trump de suspendre le programme PEPFAR (President’s Emergency Plan for AIDS Relief) a provoqué une onde de choc en Afrique du Sud et au-delà. Ce programme, qui a sauvé des millions de vies en luttant contre le VIH/SIDA, bénéficie principalement aux populations noires, les plus touchées par cette pandémie. La suspension de ce dispositif, alors que le programme AGOA (African Growth and Opportunity Act), qui profite à une population plus diversifiée, reste intact, soulève des interrogations troublantes : s’agit-il d’une manœuvre politique ou d’une décision ciblant spécifiquement la communauté noire ?
Contexte politique et économique
La décision de Trump intervient dans un contexte tendu entre les États-Unis et l’Afrique du Sud. En effet, le président américain a récemment imposé des sanctions économiques à Pretoria en réponse à la loi sud-africaine sur l’expropriation des terres sans compensation. Cette loi, adoptée par le gouvernement de Cyril Ramaphosa, vise à corriger les inégalités historiques liées à la colonisation et à l’apartheid, où près de 70 % des terres agricoles étaient détenues par la minorité blanche (moins de 10 % de la population). Trump a qualifié cette réforme de « discriminatoire » envers les Afrikaners, descendants des colons européens, et a gelé toute aide américaine à l’Afrique du Sud, y compris les programmes de santé.
Cependant, cette réaction américaine ignore un fait historique crucial : les terres détenues par les Afrikaners ont été acquises par des moyens coercitifs et injustes pendant l’apartheid. La redistribution des terres est donc perçue par beaucoup comme une étape nécessaire vers la justice sociale et la réparation des torts passés. En suspendant le PEPFAR, Trump semble utiliser la santé publique comme un levier de pression politique, une stratégie qui pourrait avoir des conséquences humanitaires désastreuses.
Les implications de la suspension du PEPFAR
Le PEPFAR, lancé en 2003 sous l’administration Bush, est l’un des programmes de santé mondiale les plus réussis de l’histoire. En 20 ans, il a permis de sauver plus de 25 millions de vies dans 55 pays, principalement en Afrique subsaharienne. En Afrique du Sud, où près de 20 % de la population adulte vit avec le VIH, ce programme est une bouée de sauvetage. Selon les estimations de l’ONU, son interruption pourrait entraîner la mort de plus de 6 millions de personnes dans les quatre prochaines années.
La suspension du PEPFAR contraste fortement avec le maintien de l’AGOA, un programme commercial qui bénéficie à une population plus large, y compris les métis et les Blancs. Cette disparité alimente les soupçons d’une discrimination raciale sous-jacente dans la politique étrangère américaine. Certains observateurs y voient une tentative de punir l’Afrique du Sud pour ses réformes internes et ses positions internationales, notamment son rapprochement avec l’Iran et sa critique des politiques israéliennes dans le conflit israélo-palestinien.
Les allégations historiques et leurs résonances actuelles
La situation est encore compliquée par des allégations historiques troublantes. Certaines sources affirment que la propagation du VIH/SIDA en Afrique du Sud aurait été, en partie, le résultat de politiques délibérées pendant l’apartheid. Bien que ces accusations restent controversées et non confirmées, elles ajoutent une dimension dramatique à la suspension du PEPFAR. Pour de nombreux Sud-Africains, cette décision ravive des souvenirs douloureux d’une époque où leur vie et leurs droits étaient considérés comme négligeables.
Une opportunité pour l’Afrique de se réinventer
Si la suspension du PEPFAR est indéniablement un coup dur, elle pourrait aussi servir de catalyseur pour un changement profond. L’Afrique doit saisir cette occasion pour renforcer son autonomie en matière de santé publique et de développement économique. Les pays africains doivent investir davantage dans leurs systèmes de santé, promouvoir la recherche médicale locale et renforcer les partenariats régionaux pour réduire leur dépendance vis-à-vis de l’aide étrangère.
En parallèle, il est essentiel que les dirigeants africains adoptent une position unie et ferme face aux pressions extérieures. La réforme agraire en Afrique du Sud, bien que controversée, est un pas vers la justice sociale et la réconciliation. Les nations africaines doivent continuer à défendre leurs intérêts sans se laisser dicter leur politique intérieure par des puissances étrangères.
Conclusion : Vers un avenir autonome et équitable
La décision de Trump de suspendre le PEPFAR soulève des questions profondes sur les priorités de la politique étrangère américaine et ses implications humanitaires. Cependant, elle offre aussi une opportunité pour l’Afrique de réaffirmer son indépendance et de construire un avenir où la santé et la prospérité ne dépendent plus des caprices des autres nations.
En tant qu’Africains, nous devons nous unir pour surmonter ces défis. La suspension du PEPFAR ne doit pas être perçue comme une fin, mais comme un appel à l’action. Ensemble, nous pouvons créer une société plus juste, équitable et résiliente, où chaque individu a accès aux soins de santé et aux opportunités économiques, indépendamment de son origine ou de sa couleur de peau.
**Christian MAYOMBE MITSU**
Économiste, analyste politique et libre penseur